Aurore et Dissonances
L’admiration que Haydn vouait à Mozart est au coeur du propos d’un concert du
Quatuor Florestan, au Munsterhof à Strasbourg, après audition aussi à Mittelbergheim.
Les deux génies, amis et non rivaux, se sont rarement rencontrés, même à Vienne.
Mais Mozart avait tenu l’alto, en 1785, dans des séances où « papa » Haydn jouait ses
propres quatuors à cordes. D’un genre musical qu’il a créé et amplement illustré, le
compositeur d’Esterhazy a élaboré les formes classiques, mais il en a surtout fait,
pendant des décennies, un champ d’expérimentation : en témoigne son Aurore (ou
« The Sunrise »), le quatrième des six de l’intimiste opus 76, écrit dans les dernières
années du siècle. Le thème initial, sombre et énigmatique, surgit sur un accord parfait
des trois autres instruments. Et le final amène une formidable accélération du
mouvement, tandis que le presto du voisin Empereur, donné en bis, s’achève en nuance
piano. Philippe Lindecker, Sylvie Brenner, Roland Cheney et Anne Lindecker ont
parfaitement cerné tout l’enjeu de cette oeuvre, avant que les quartettistes ne
s’attaquent, avec toujours un art sûr et confirmé, au quatuor Les dissonances de
Mozart, ainsi appelé pour son introduction, qui concentre en quelques mesures des
tensions harmoniques d’une modernité inouïe, qui y font passer de l’ombre à une
éclatante lumière et allégresse le propos initiatique, maçonnique peut-être, de la pièce.
Le K. 465 en do majeur, de 1785, fait partie des six quatuors dédiés à Haydn. Mozart a
moins de facilité dans l’écriture, car il écrit sous la pression, mais n’exprime pas moins
de profondeur. Le public a salué chaleureusement la conviviale qualité de ces
interprétations.
Marc Munch
Article paru dans l’édition DNA du jeudi 21 mai 2009