Des quatuors français …
Le quatuor à cordes Florestan a ouvert sa saison à Strasbourg, au Munsterhof, avec un
programme consacré à Debussy, Roussel et Ravel. Lorsd’un concert Schubert au
printemps dernier, l’ensemble que forment Philippe Lindecker, Sylvie Brenner, Roland
Cheney et Agnès Lindecker avait initié la formule de tels concerts-lecture – les
« Correspondances » -, où textes de compositeurs et citations d’amis oude critiques
accompagnent l’audition musicale. Chantal Lehr avait ici réuni et présentait ces
éclairants témoignages, à propos particulièrement de l’amitié entre Ravel et Debussy,
qui se serait un brin refroidie après la création du Quatuor de Ravel dix ans après celui
de l’auteur du Prélude à l’après-midi d’un faune. Jalousie del’aîné à l’égard du cadet ?
Bien dans l’esprit de l’oeuvre
A vrai dire, ces deux oeuvres d’autour de 1900 paraissent aujourd’hui relativement
proches. Debussy se veut plus fidèle à la tradition, Ravel utilise un peu les mêmes
procédés d’écriture – le fil rouge thématique d’un motif modal qui court, transformé à
travers tous les mouvements, avec un scherzo en pizzicato chez les deux. Et la
personnalité de chacun y transparaît. Les interprètes n’avaient pas terminé tout à fait
leur échauffement au début du Quatuor en sol mineur, mais sont bien entrés dans
l’esprit de l’oeuvre. Et leur science quartettistique confirmée a bénéficié aussi à Ravel,
comme à tout le programme. De même que Debussy et Ravel, Albert Roussel, mort la
même année que l’auteur de Daphnis, n’a écrit qu’un unique quatuor à cordes. « Si
Debussy s’écoute avec les yeux, Ravel avec les oreilles, Roussel s’écoute avec l’âme » –
la citation fut ici mise en exergue à propos de ce quatuor d’un compositeur célèbre en
son temps, mais trop rarement à l’affiche aujourd’hui. Les Florestan n’ont donné que
les mouvements centraux de ce quatuor en ré mineur : soutenant remarquablement
l’adagio, aul yrisme dense, et un scherzo à l’alerte rythmique néoclassique, typique de
sa manière. Et en guise de « bis », ils ont donné le premier mouvement du Troisième
quatuor de Gabriel Fauré, en rappelant que Ravel avait dédié son Quatuor en fa
majeur à celui qui fut son maître. Péroraison éloquente, en conclusion de cette
exposition de quatuors français marquants.
M.M.